
Marivaux, la conférence
Présentation
un conférencier arpente la scène avec nervosité, consultant fréquemment sa montre, tandis que l'assistance prend place dans la salle de spectacle. Il entame son discours, et voit enfin arriver une conférencière, mais ce n'est pas celle qu'il attendait. Ce duo comique, inspiré des traditionnels clown blanc et auguste, va, au fil de cette fausse conférence, dévoiler la mécanique subtile de l'intrigue du "Jeu de l'amour et du hasard", alternant narration et extrait de scènes de cette pièce emblématique de Marivaux. Leur performance vise à éclairer le public sur la richesse du langage de Marivaux et à explorer les thèmes intemporels des amours contrariées et des barrières sociales.
Note d'intention
« Je n’ai rien compris à la pièce ». Tout a commencé par cette phrase, dite par une jeune comédienne lors d’un atelier théâtre. Je lui avais demandé de lire le Jeu de l’amour et du hasard, de Marivaux, afin qu’elle travaille le rôle de Silvia. Face à son incompréhension, je me lance alors dans une explication laborieuse, sur l’échange de code sociaux, le méta-théâtre, la reconnaissance de ses pairs…Ce ne fut pas concluant.
Décidé à la convaincre de la richesse de cette pièce, je me suis replongé dans le texte. C’est lors de cette relecture que j’ai eu envie de renouer avec mes débuts de comédien, où, quand je voulais jouer Arlequin, on m'avait distribué dans le rôle de Dorante, question d'emploi m'avait-on dit. Une idée a surgit : Pourquoi ne pas jouer les deux ? Une envie furieuse de briser ces barrières surannées, d’en finir avec les injonctions liées à des critères d’un autre temps est née, associée à l’envie de faire comprendre à mon élève à quel point cette pièce est jubilatoire sur bien des aspects.
J’ai donc commencé à lire tout ce qui me passait sous la main, constituant ma propre bibliographie autour de cette œuvre emblématique de Marivaux, sur la vie de cet auteur et du XVIIIème siècle. Découvrant un contexte prolifique pour les arts, malgré cette vieille bataille des classiques et des modernes, je constate la modernité de cet auteur que je connais mal, annonçant déjà 50 ans avant, la révolution qui allait survenir.
La question centrale est devenue : comment rendre tout ce contenu digeste ? Comment ne pas sombrer dans une démonstration laborieuse et soporifique et donner envie à mes élèves de jouer cette pièce ? La réponse s'est imposée : en fonçant dans le burlesque. En forçant le trait de la conférence, mais en décalant le propos par la forme. J’ai commencé à écrire une ébauche de texte, que j’ai soumis à mon amie Estelle Borfiga qui a tout de suite vu que cela pouvait donner naissance à une pièce. Son enthousiasme et son encouragement à continuer ont été déterminants. Elle a tout de suite exprimé son désir de relever le défi de jouer Silvia et Lisette.
J’ai donc peaufiné l’écriture, transformant ce qui devait être une simple explication de texte en un spectacle. Celui-ci alterne narration burlesque, jouant des antagonismes du clown blanc et de l’auguste, et scènes jouées, utilisant la vérité des situations pour aborder les émotions des personnages.
Notre premier public a été mon cours de théâtre. Résultat : mon élève a tout compris. Elle a travaillé les deux rôles. Cette fausse conférence était née.
Vincent Paillier
Acteur et metteur en scène.

